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L'AVC Acrobate

14 avril 2024

cicatrices

Je ne cherche pas à m’adapter, je pense que tu as intégré  l’information à force. C’est moi qui suis dans le refus. Les médecins, soignants, thérapeutes, me rappellent régulièrement que je ne dois pas avoir de faux espoirs. Ils ne veulent pas m’encourager en ce sens, ma déception pourrait être trop douloureuse et ils ne veulent pas que je leur en veuille. Ils ont peur ??? (je ne savais pas que ma réputation  Nikita était arrivée jusqu’ici !)

Ne pas leur en vouloir ….. . S’ils savaient combien je m’en veux à moi…

 

 

Les «  on ne sait pas, chaque AVC est différent » commencent  à ressembler à « c’est fini, fais toi une raison, plus le temps t’éloigne du jour J, moins tu pourras récupérer.». Ah ? et la patience donc ? On n’en parle plus ?

 

En réalité, je ne nage pas entre espoir - désespoir .Il m’arrive parfois d’être agréablement surprise lorsque je remarque une petite récupération. Puis terriblement déçue lorsque je trébuche.

Il y a toujours beaucoup trop de pourquoi sans réponse.

 

Si ça doit me faire du mal, ça me regarde. Et sur ce point je suis déjà au sommet à ce moment là. Toutes mes billes sont dans le panier de la rééducation.

Depuis le premier jour, je sais que je ne suis pas capable de surmonter ça. Je me laisse porter pour aller en rééducation.

 

Peut être qu’une vaillante guerrière  aurait déjà envoyé chier la rééducation. Il faut être folle pour aller tous  les jours en rééducation en sachant que ce ne sont ni les thérapeutes ni son investissement qui vont lui permettre de récupérer. Une vaillante guerrière aurait déjà réparé son corps.

 

Tous les jours, les ambulanciers me conduisent à l’HDJ, en salle d’attente. Le masque cache le sourire que je n’ai pas.

Depuis mon hospitalisation, j’ai la sensation de n’avoir rien décidé, de me contenter de répondre oui, pour donner mon accord, lorsqu’on me le demande. Je me laisse porter Donc je suis en HDJ, en fauteuil. Je ne peux me lever que pour la kiné.

 

Les premiers jours, nous attendons tous en silence dans une petite pièce en cube. Avec les fauteuils, elle est vite pleine. Et silencieuse. Tout le monde tapote sur l’écran de son téléphone. Au fil des jours, Le besoin d’échanger est plus fort. Et les mots commencent à danser autour de nous.

 

Et nous voilà tous à sourire et rire alors que merde quoi, on n’arrive pas avec un rhume ! Je rencontre des personnes admirables et je découvre des maux terribles.

J’ai ma siamoise, qui a la même cicatrice que moi sur le front, mais à droite. Ce n’est pas une cicatrice de chair. Toutes deux avons  été trépanées Ils ont découpé une fenêtre sur le crane pour intervenir et l’ont vissée à sa place., comme sur  la planète terre, certaines plaques du crane se sont déplacées. Ce n’est pas une cicatrice de chair. C’est une cicatrice osseuse.

 

J’aime bien ces petits moments où nous attendons que nos kiné viennent nous chercher.

 

On parle de nos cicatrices, On se raconte sans se juger. On porte les mêmes souffrances et les mêmes colères..

comme on peut parler des handicaps invisibles, il existe aussi des colères invisibles.

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24 mars 2024

 

Mon emploi du temps est quelque peu bousculé depuis mon passage en HDJ. Encore une nouvelle adaptation.

 

L’hémi négligence me joue de mauvais tour. Je voudrais tellement que tu comprennes ce que je ressens et comment je le vis.

 

Pour beaucoup de  mouvements, souvent anodins, je dois me concentrer pour m’empêcher de les exécuter machinalement. Si je les fais spontanément, ça donne rarement un bon résultat ça peut même entrainer une perte d’équilibre.

 

 

Première difficulté, se laver. Nous sommes toujours dans le trip de la gauche qui n’existe pas. Ca voudrait dire que je ne lave pas le bras gauche puisque je l’oublie. Et je ne peux pas me laver le bras droit puisque mon bras gauche ne me répond pas.

 

Je refuse d’être lavée. Je gère.

 

Donc j’ai mis en place un petit rituel. Les premières fois, je murmurais ce que je devais faire. Ensuite, le rituel est devenu silencieux. J’avais un ordre à suivre et c’est devenu un nouvel automatisme.   Limite toc tu vois ?

 

C’est difficile d’être toujours dans le refus. Je reconnais que je ne rends pas mon quotidien plus simple. Mais l’autonomie est et reste mon Graal. Je ne cherche pas à m’adapter, je dois tout récupérer.

Cette putin d’hémi négligence … ah ! tu pensais que c’était terminé et qu’on n’aborderait plus cet étrange symptôme ?

 

Donc la gueuse me plonge dans des situations plus que gênantes.

Lorsque j’enfile mon pantalon, si je ne me concentre pas, si je le fais « comme avant ».Ca me fait … comme un mélange  de symptômes avec les membres fantômes.

 

Je ne sais pas comment tu fais pour enfiler un jogging, Moi c’est vite fait. Main droite a droite, main gauche à gauche J’enfile les jambes et je remonte le tout.

Je suis persuadée d’avoir utilisé la main gauche pour remonter le jogging. Tu vois ? Comme quand on te demande de lever les deux bras pour vérifier si tu es en phase AVC Parce que je suis en mode automatique, je fais sans réfléchir,  « comme avant » je ne me pose même pas la question. De fait, je me retrouve avec une partie de la fesse gauche à l’air. Et comme c’est insensible à gauche, je ne me rends compte de rien.

Lorsque j’étais hospitalisée, il y avait toujours quelqu’un qui s‘en rendait compte et qui tirait un bon coup sec sur la gauche de mon pantalon, pour le remonter. A chaque fois j’étais surprise par ce mouvement que j’ai pourtant du faire mille fois avec mes enfants….. mais justement. Ils étaient enfants.

 

Lorsque je me concentre bien et que je prends mon temps, tout va bien. Si ça ne se passe pas dans ces conditions idéales…et bien… tu sais quoi !

 

En  HDJ, ça se passe dans de meilleures conditions, même si ça les amuse de m’entendre pester .. Donc je te le dis tout net, je trouve insupportable cette manie qu’ils ont tous  à tirer d’un coup sec sur mon jogging, merde alors !

Même MPV s’y met ! … Alors qu’il suffit de me prévenir. Je vais mordre quelqu’un.

 

J’ai fini par me dire que je me devais de préparer une réponse bien cinglante à lancer aux prochaines personnes qui allaient désormais oser me rhabiller quand je n’ai rien demandé.

Petite phrase piquante qu’il me faudra dire lentement pour que la paralysie de ma joue gauche ne la rende pas incompréhensible.

 

Je viens de terminer ma séance de kiné en HDJ. J’ai un peu mal à la jambe gauche, ce qui rend ma démarche plus houleuse que d’ordinaire.et je dois voir le médecin qui passe devant moi et me demande de le suivre pour aller dans son bureau.

Au bout de quelques pas, une main vigoureuse relève mon jogging… Oh putin !

 

J’ai toujours le champ visuel gauche amputé Je ne me retourne même pas et je murmure un peu vite mon cinglant.

  • J’espère que tu es plus doué(e) pour retirer les pantalons que tu ne l’es pour les remonter !

Je me tourne  vers la gauche pour pouvoir apprécier l’effet de mon tacle.

 

Et cette voix que je reconnais sans mal….La surprise  me brûle la gorge et me tétanise.

Et oui, c’est bien le médecin.

Si ça se trouve je n’ai rien dit. Je me suis retournée, je l’ai vu et je n’ai rien dit

- Excusez moi ? Je n’ai pas entendu.

- Non rien.

- On y va ?

-Non ça va.

 

Il lève un sourcil interrogateur.

 

  • Oui j’arrive.( Si ça se trouve je n’ai rien dit.)
  • -Passez devant, comme ça je vous vois marcher.
  • NON !

Il lève un sourcil interrogateur

  • allez y je vous suis.

.Si ça se trouve je n’ai rien dit.

Mais COMMENT il a pu entrer dans son bureau et se retrouver derrière moi sans que je ne le vois  se déplacer ??? Et puis ce n’est pas son genre de tirer sur un pantalon Je devais regarder à droite à ce moment là.

Putin d’hémi truc de merde. .( Si ça se trouve je n’ai rien dit.)

Là je me sers sans honte de l’AVC. Je n’arrive pas à me souvenir si j’ai juste pensé faire cette plaisanterie ou si je suis restée muette. Et puis ce n’est pas son genre de tirer sur un pantalon Donc ce n’était pas lui. . ( Si ça se trouve je n’ai rien dit.)

Je peux te dire que depuis, Je vérifie plusieurs fois dans la journée que mon pantalon recouvre bien mon hémi fesse gauche, même MPV ne s’y risque plus.

Mais Si ça se trouve je n’ai rien dit Je te laisse choisir la chute de ma mésaventure. C’est fatigant un AVC

17 mars 2024

HDJ

Lorsque je passe en HDJ, (Hopital De Jour … Fais un effort quoi !)  je perds un peu en prise en charge. J’y vais tous les après midi ça me permet à minima d’entretenir en kiné ce que j’ai pu récupérer.

 

De toute façon, l’AVC encombre ma vie. Je n’ai pas d’autre solution que de vivre avec. Si tu savais combien je déteste cette expression ! (encore une, je sais)

Allez hop. Je baisse les bras … enfin un seul.

J’accepte, c’est comme ça …Il faut se faire une raison …….

Non. Je refuse tout en bloc.

L’AVC occupe chaque seconde de mon quotidien, jusqu’aux nuits. J’en rêve très souvent pratiquement toutes les nuits. Dans tous ces rêves, L’AVC est loin derrière moi et je suis libre. Je discute avec une amie et nous parlons d’un passé au cours duquel

on ne sait pas pourquoi, l’hémi de mon corps ne répondait plus. Mais que tout ça était loin.

 

En HDJ, je suis prise en charge par une douce kiné, Sivie.

Mais. Il faut que tu saches qu’elle m’installe tous les jours face à  une machine à pédaler.

Au début ça me convient. Pendant que mes jambes travaillent, je m’occupe de Moumoune.

 

Quoi ? Ah mais ce n’est pas possible !   Il va falloir que je ponde un lexique pour les surnoms que je donne….

 

Moumoune = main gauche=main blessée.

Donc pendant que je pédale, je prends un doigt de Moumoune, et je manipule les trois phalanges, comme si je voulais faire craquer mes doigts un par un.

 

Je fais ces mouvements plusieurs fois par jour, ça me permet de conserver un peu de souplesse dans les doigts de Moumoune et surtout de ne pas trop m’emmerder quand je suis en train de pédaler. Parce que bon. Tu pédales et le paysage ne change pas.

Avant les premières manipulations, lorsque je prends ma main blessée dans mon autre main, Moumoune pèse lourd,  elle est crispée et fermée en un poing difficile à ouvrir si je prends tous les doigts d’un coup. Après les manipulations, les doigts sont souples et en position neutre. La main est beaucoup moins lourde. Parfois j’arrive à bouger les trois premiers doigts (oui ! sans les toucher.) La sensation reste étrange. Je regarde longuement ma main, comme si je voulais y poser mon esprit. Puis je plonge dans mon pouce et le fais bouger, aussi concentrée que ceux qui arrivent à plier les fourchettes par la pensée. Quoi ? bon oui, ok. Dans les films. A mon humble avis, pour tous ces films qui traitent  du pouvoir de déplacer un objet par la force de la pensée, les réalisateurs ont vécu, témoin ou acteur, une rééducation post AVC pour imprégner les acteurs qui doivent soulever un couteau par leur seule force mentale. Je propose que l’on créé une association pour pouvoir les attaquer pour plagia. Il faudrait qu’on récupère une partie du gâteau !

 

J’en reviens donc à mon vélo en kiné. Sur ma droite, il y a non pas un, mais DEUX tapis roulant. Et je regarde avec envie ceux qui marchent et courent dessus.

Lorsque Sivie la douce kiné vient vérifier comment ça se passe pour moi, j’en profite pour lui demander si je peux utiliser le tapis roulant. Elle secoue la tête. Je vais batailler pendant des jours, semaines, mois, contre toute l’équipe, J’ai tout tenté. Menaces, chantage… Je repérais les kinés stagiaires à leur arrivée, je leur demandais de m’aider à mettre la bestiole en route…mais ils étaient prévenus.

J’entendais toujours la même réponse, c’est trop tôt. Ah non ! on ne va pas me la jouer à chaque étape celle-ci !

Déjà que je devais m’adapter encore une fois à une autre organisation dans ma vie….

 

Ce sont les ambulanciers qui viennent me chercher en tout début d’après midi. J’ai accepté cet horaire qui me prend bien la tête pour être certaine d’être bien suivie par  le médecin qui me suivait pendant l’hospitalisation.

 

Et je pense que je n’étais pas la seule. Quand il arrivait à l’HDJ, une très grande partie des patients se mettaient en pause. Dont moi. Je regardais les autres patients et je devinais les sourires, derrière les masques et dans les yeux.

Il inspire le respect. Comme je l’ai dit à mes enfants pendant des années, si tu veux être respecté(e), respecte toi même.

 

C’est fou de voir un médecin apprécié par tant de personnes.

J’avais envie lui dire de monter son propre centre de rééducation, je me sentais même capable de tenir sa compta au moins au début. La gestion humaine du centre où j’étais me semblait vaseuse. J’ai vu des salariés tellement maltraités dans leur quotidien que j’avais envie de hurler. Que ce soit à l’hôpital (public) ou en centre de rééducation (privé). Comment veux tu qu’ils puissent masquer totalement leur mal être, leur colère lorsqu’ils viennent s’occuper de nous ?

 

Pour en revenir au médecin, je peux te dire  qu’on pouvait palper cette sensation de bien être / je suis en sécurité lorsqu’il traversait le plateau. Nous attendions qu’il passe près de nous pour pouvoir répondre à son bonjour.

 

Sa jeunesse aurait pu m’effrayer, mais elle m’a rassurée . Je me sentais confiante. Il est de ces médecins qui te demande l’autorisation avant de t’ausculter, qui tape à la porte de SON bureau quand il sait que tu y es et qu’il en est sorti pour répondre à un appel téléphonique …

 

Je sais que je lui dois de ne pas avoir été attachée sur le fauteuil roulant, lorsque mes cascades déplaisaient trop aux soignants qui me ramassaient au sol.. Il savait, lorsque je lui posais une question, si sa réponse allait me déplaire ou pas. Même lorsqu’il n’était pas d’accord avec un soin, il le disait mais préférait faire une tentative avant de prendre une décision finale.

 

Pas de langue de bois. Mais il m’a bien gonflée lorsque je lui montrais un mouvement, une vidéo dans laquelle je bougeais mon bras gauche et qu’il se contentait de me répondre « ok »Ok quoi ??? c’est tout ???? Ok ??

 

Oui oui, je sais qu’il ne veut pas me donner de faux espoir. OkOk. Mais juste ok ????

 

Peu avant que je rentre en HDJ, dans le cadre  du traitement la spasticité j’ai eu des … infiltrations ? injections ? de … toxines botulique, je crois.

 Je n’ai retenu que botox quand il m’en a parlé.

 

Je lui ai demandé s’il pouvait m’en faire en plus au visage…. Il a RE-FUS-É !

Alors je l’ai informé que j’avais déposé plainte contre l’hôpital dont le service Neuro m’avait sauvé la vie pour la rupture d’anévrisme, premier AVC de ma vie, parce qu’ils m’avait scalpée et écarté la peau pour atteindre la partie du crane sur laquelle ils devaient découper un volet et qu’ils n’avaient pas profité de la situation pour tirer un peu sur la peau flasque du visage.

Ce n’est quand même pas si compliqué ! c’est inadmissible ! Ils servent à quoi tous ces chirurgiens et soignants, s’ils ne trouvent pas le moment, durant sept heures d’intervention, de te tirer un peu sur la peau, pour qu’au  moins tu puisses accepter les putains de coquards qui te re-décorent la face à ton réveil ?

Alors si j’ai attaqué un hôpital en justice pour non assistance à personne en vieillissement de la peau, je ne vais pas me gêner pour attaquer un médecin spécialisé MPR pour refus d’injection de Botox sur le même visage vieillissant, à la gueule tordue !

 

Je suis certaine que même toi, tu as du te demander c’est quoi MPR ? toxines botulique ? spasticité ? Mais botox tu sais ce que c’est……..

Je dis ça …

25 février 2024

Quand la bienveillancefait mal

Donc, depuis le premier jour, ce handicap, je le refuse en bloc. Je refuse. Je suis blessée mais je ne veux pas me résigner ni abandonner, ni m’adapter ni accepter.

Ce n’est pas du déni, c’est un refus

 

Un jour où j’étais encore hospitalisée, j’attendais l’ascenseur avec un patient, en commentant une affiche imprimée en rouge sang. 

« en cas d’incendie, ne prenez pas l’ascenseur. »

Un dessin représente un tit bonhomme devant les portes d’ascenseur, des flammes menaçantes derrière lui, le tout barré d’une grosse croix rouge. Et juste à côté, le tit bonhomme est représenté en train de courir et dévaler les escaliers.

J’ai commenté l’affiche 

-      Les handicapés en fauteuil ils y pensent ? On les laisse crever dans un gros feu de joie ?

Le patient ne m’a pas répondu, il laissait juste glisser ses yeux de ses jambes (en fauteuil) vers mes jambes (en fauteuil) …..

Du hall, il y avait deux accès à l’extérieur le premier avec une série de marches et le second avec une pente limite vertigineuse pour descendre et trop inclinée pour monter sans perdre 10 litres de sueur.

Tous ces détails auxquels je n’ai jamais fait attention, je les relevais automatiquement. 

Les parcours du combattant qu’ils doivent affronter chaque jour…

 Mes blessures n’étaient  que temporaires mais je comptais témoigner sur tous ces obstacles qu’il pouvait y avoir pour les personnes en fauteuil…

Pas une seule fois je ne me suis sentie concernée.

C’était étrange et déstabilisant de me balancer entre les «  je ne vais jamais y arriver ! je ne suis pas assez forte pour surmonter et effacer ce cauchemar » et les « ce n’est que temporaire, je ne peux pas être handicapée. »

Je me disais que si la mobilité de ma main s’était effondrée en quelques minutes, elle pouvait guérir en quelques minutes et retrouver sa mobilité.

 

Pas une seule fois je n’ai pensé que ma force mentale allait guérir mon hémi gauche.

 

De toute façon, ma force mentale, si il y en avait une, était utilisée à 100% pour contrer ce que j’entendais.

 

Il semblerait que je posais trop de questions. C’est vrai ça ! Quelle idée ? Déjà je suis en vie, alors je remercie la vie et je ne pose plus de questions. Eh beh non. La vie peut être une sacrée salope. Je n’ai pas du tout envie de remercier cette vie qui m’a tant arraché. Ce n’était pas la peine qu’elle me garde en vie, la vie, si c’était pour  me faire vivre ce cauchemar.

Même en centre de rééducation, il m’est arrivé de me dire qu’ils ne se rendaient pas compte  de la violence de leurs mots. De l’impact qu’ils pouvaient avoir sur nous.

 

Tous ces moments où ils m’ont affirmé  « chaque AVC  est différent »…J’ai eu envie de leur répondre (hurler ?)

« Chaque humain est différent ».  Je ne pouvais pas les laisser me résumer à un AVC.

Tu peux la toucher des doigts, la formation qu’ils ont eue.

Vous ne devez pas penser que les kinés ou le médecin en rééducation vont vous permettre de retrouver votre mobilité. Et ne pas penser que vous allez récupérer grâce à votre force de travail. Le père Noel n’existe pas.

 

Ce à quoi je répondais invariablement. « Vous ne devez pas me dire ça. Moi j’ai posé toutes mes billes dans le même sac. 

 

Je l’entends le discours derrière. Je ne dois pas donner de faux espoirs aux patients, ni même de faux désespoirs.

Chaque AVC est différent.

CHAQUE HUMAIN SURVIVANT D’UN AVC EST DIFFERENT !!!

Bordel ! merde alors !

Ca m’a fait beaucoup de mal d’encaisser  ces mots qui n’étaient pas censés être malveillants.

 

Tu sais tout ce qu’on peut entendre, dans tous ces moments où on découvre qu’on est victime d’une maladie auto immune, un cancer, un AVC….

Tous ces mots qu’on vient nous dire, alors  qu’on sait que c’est notre corps qui attaque notre corps .

 

« Tiens bon ! Ne te laisse pas abattre. Le moral joue à 50 ou 80% dans ce qui t’arrive.

 

Encore des mots qui n’expriment que  de la bienveillance evidemment, mais qui peuvent être très douloureux

Ca veut dire que si tu n’arrives pas à  combattre ce mal qui te ronge, c’est que tu n’y a pas assez cru. Ou que tu t’es laissé porter par ta tristesse. Alors que tu as tout pour être heureux putain ! Tu es en vie !Bref, c’est de ta faute.)

 

Je me sens tellement en phase avec toutes ces personnes à qui les médecins ont diagnostiqué un cancer. Bien entendu ça n’a rien à voir. Il ne faut pas m’en vouloir. Je suis certaine que nous vivons parfois des moments similaires et que nous avons entendu les mêmes mots qui nous voulaient du bien et qui nous ont fait mal.

 

Je n’ai pas du tout la solution, je ne sais pas ce qu’il faudrait dire à un malade, handicapé…

 

Sur ce chemin chaotique, j’avais surtout besoin de pouvoir poser ma tête sur une épaule empathique et j’ai pu les avoir ces épaules.

 

Maman m’a tellement manqué. Je sais qu’elle m’aurait serrée dans ses bras en caressant mes cheveux doucement à cause de la cicatrice  et en pleurant avec moi.

18 février 2024

HDJ

 

J’ai beaucoup pensé à ceux qui ont vécu et survécu à un AVC avec des jeunes enfants  qui attendaient le retour de leur parent blessé. Tous ces nouveaux chemins de vie à reconstruire… 

 

Après mon départ du centre, Je suis aussitôt passée en HDJ, Hôpital de jour, pour la suite de ma rééducation.

 

Avec MPV, il nous a fallu trouver une autre manière de vivre à deux. Dans ces moments, tu te rends compte que chaque  geste simple du quotidien peut devenir insurmontable.

 

Encore un métier que j’ai découvert, les ambulanciers. Ils m’ont prise en charge pour me conduire de chez moi en HDJ et inversement. 

Ils avaient du mal à se faire à l’idée que le petit truc tordu qu’ils transportaient pouvait grimper sur un voilier … 

 

Et oui, comme je te l’ai dit, il nous a fallu nous retrouver MPV et moi. Je peux comprendre son stress lorsque je me trouvais en équilibre sur les marches de la descente et que j’étais incapable de savoir où était située ma jambe gauche dans l’espace.

 

Dès mon retour, MPV a dévoilé un visage de maitre chanteur menaçant qu’il avait bien planqué toutes ces années. Il n’avait plus besoin de jouer au charmant protecteur attentionné, j’étais incapable de me sauver en courant.

Ce soir là, je me rends compte que j’ai perdu mes lunettes de vue après avoir tout retourné chez moi et  j’en déduis que je les ai laissées dans l’ambulance. 
L’ambulancière me confirme les avoir à bord et me demande si on peut l’attendre au début du ponton d’ici 15minutes. MPV Ronchonne. 
Il se rhabille donc en râlant parce que ça fait trois fois qu’il fait l’aller retour.
Du coup j’enfile mon blouson et là,  attention, prépare toi, le pire arrive … chantage …. Menace… 
-tu fais quoi ?
- j’enfile mon blouson !
- Pourquoi?  
- pour aller au bout du ponton et récupérer mes lunettes
- alors là pas question !
- ahah !
- Si tu enfiles ton blouson je te préviens si tu fais ça … Je te préviens… 

 

Et là, c’est Moi qui vous  préviens. Les mots qui vont suivre peuvent choquer  et heurter les lecteurs  trop sensibles…Eloignez les enfants d’urgence !

-      Si tu fais ….. si tu fais ça, je te fais la gueule !


J’ai cédé sous la menace. Et tout était oublié à son retour à bord.



Je m’obstine à tenter désespérément de reprendre une vie normale chez moi. Mais euh….. bon. Je ne sais pas si je pourrais un jour revivre des moments normaux.

J’ai perdu le plaisir de manger.  L’odeur de la viande cuite et son goût me soulèvent le cœur. 

Je tente donc d’autres repas. Des repas ultra simples et vite préparés. Mais ça, c’était avant. Tout devient très compliqué lorsqu’une seule main te répond.

MPV s’éloigne un peu et comme je suis en train de préparer un plat simple,  il me dit 

- tu m’appelles si tu as besoin  de quoi que ce soit.

Je n’arrivais pas à ouvrir le vinaigre balsamique alors je traverse mon coin cuisine le dressing buanderie et j’ouvre la porte du Pipi room, je glisse la bouteille de vinaigre par la porte entre ouverte et il me dit
-quoi ?
-j’ai besoin d’aide 
-mais c’est urgent ?
- beh oui il faudrait m’ouvrir la bouteille. Et tu sais ce que ´ il a fait ? Il a refermé la porte du coin pipi et il m’a abandonnée à ma bouteille de vinaigre qui restait fermée 
C’est bien beau de dire si tu as besoin de quoi que ce soit, tu m’appelles et j’arrive. 


Pffff !!!!

 

Les ambulanciers. Les Auxiliaires de vie, les aides soignants…. 

Tous ces métiers invisibles sans lesquels je ne serais pas en train de témoigner . Ce qui est triste, c’est que j’ai du me retrouver dans un état de dépendance et de souffrance pour les découvrir.

 

J’ai croisé des cons, oui. J’en ai rencontré des géniaux et je ne me souviens que d’eux. Parce que la situation cauchemardesque que je vivais suffisait bien à ma souffrance.

 

C’était mon instinct de survie. Je me suis interdit de sombrer plus que je ne l’avais fait et je reconnais qu’ils ont trouvé le traitement qu’il me fallait pour m’y  aider.

 

Mais ce handicap, je le refuse en bloc. Je  sais que ce n’est pas une force pour m’aider à avancer. Je refuse. Je suis blessée mais je ne veux pas me résigner ni abandonner ni me résilier. La résilience, ce serait, pour moi, m’effacer.

A tous ceux qui me parlent de résilience…. Tu as cherché la définition  du verbe résilier pour voir ?

Des semaines  après ce putin d’AVC, j’ai pu remonter dans l’historique des SMS que j’avais reçus sans pouvoir les lire.

C’est comme pouvoir reprendre la main sur ce qui m’est arrivé. 

Me dire tiens ! dix minutes avant, j’envoyais une blague à un ami….cinq minutes avant, j’échangeais avec ma fille. Et puis ce message envoyé Le lendemain de l’attaque, à 6 heures du matin, par celui qui fait partie des personnes les plus chères à mon cœur. Je reçois toujours le même coup qui me plie en deux, comme si je le lisais pour la première fois.

« Si tu vois ce message, c’est que tu es vivante et que j’avais raison de croire en ta force de vie. » 

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7 février 2024

Ergo ou coach de retour à la vie.

L’un de mes moteurs pour la rééducation était mon retour sur mon bateau. Tout le monde freinait ce retour parce que mon mode de vie les inquiétait. Et  enfin j’ai remporté ce challenge, Au début ça m’a troublée. Ce n’était pas un retour chez moi « tout est passé, on n’en parle plus, c’est derrière moi. »

 

 

J’ai passé six mois dans un centre où j’étais peut être infantilisée au début. Et au fil des jours, je ne peux pas le nier, bien entendu, des liens se sont créés. Pas avec des cons. Mais je devais être leur con aussi, donc tout va bien. J’ai côtoyé des soignants qui me donnaient plus que ce pour quoi ils étaient (sous ?) payés, qui prenaient sur leur temps libre pour m’aider à me retrouver …, en m’assurant qu’ils aimaient le faire. Et c’était  vrai J’ai découvert la véritable définition du mot altruisme.  

J’en parle souvent, mais je continue à être persuadée que Figurant le kiné, du haut de ses petits 27 ans est celui qui m’a aidée à récupérer le minimum dont j’avais besoin (et ce minimum prenait toute la place pour moi) pour commencer réellement ma rééducation.

Et puis aussi les psys qui intervenaient .Dès que j’avais une baisse de moral. Les soignants et thérapeutes allaient cafter, les gueux,  Et la psy débarquait.

Je dois aussi reconnaître que je me comportais avec tous les professionnels comme s’ils étaient mes confidents. Orthophoniste, Orthoptiste, kinés… Ca m’aidait beaucoup ces échanges, d’autant qu’ils arrivaient toujours, au bon moment à me faire reprendre le bon chemin. A savoir le travail que j’étais censée faire dans le cadre de ma rééducation. Le champ visuel, l’hémi négligence, les mouvements du visage,les tests cognitifs…

Reste les ergos tu me diras. Oui, elles mobilisaient aussi mon bras et ma main en séance. Je me laissais faire (tant qu’on ne cherchait pas à me pincer…)J’adorais faire des petites plaisanteries. Ma préférée a été lorsque l’ergo s’est assise en face de moi pour faire bouger le membre supérieur. Et j’ai poussé fort mon bras vers elle. Sa surprise était jubilatoire pour moi. Elle m’a regardé  par dessus ses lunettes.

 

- Mais ? 

- Quoi ?

- C’est vous qui avez fait ce mouvement ?

- Oui pourquoi ?

-Pourquoi vous ne l’avez jamais fait avant ?

- Parce que vous ne l’avez jamais demandé!

-      ……..

-       Oh ça va ! je le fais depuis hier. 

 

Une soignante de nuit  m’a fait croiser mes dix doigts. Elle m’a dit de regarder mon bras droit et de suivre l’effort qu’il faisait pour se tendre. Le suivre des yeux,  mais aussi sentir les muscles se mobiliser. Me projeter dans ces muscles comme si j’entrais dans mon corps pour savoir lesquels travaillaient. Mon regard descendait vers la main droite, je ressentais vraiment la force. Je glissais sur la main gauche et j’envoyais la force qui avait glissé de mon bras droit dans le bras gauche, me projetant dans ses muscles.

Ca me permettait de sentir la vie revenir dans mon bras et j’ai bougé et j’ai poussé.

 

Et surtout, j’ai compris ce que me disaient les kinés lorsqu’ils me demandaient d’imaginer le mouvement que je devais faire. Comme entrer dans mon corps et voir ce qui bougeait  puis envoyer la pulsion nécessaire pour faire le mouvement. Ça me semblait trop irréel ce qu’ils me demandaient.

 

Je n’arrivais pas toujours à faire les mouvements qu’elles me demandaient en ergo.. Nous parlions souvent de mon départ qui approchait. Avec elles, ce n’était pas un conte de fées qui m’attendait. 

 

Les ergos. C’est vrai ça ! à part toutes ces mobilisations, conversations et tests cognitifs..

Elles prenaient tellement de place dans mes journées, même lorsque je ne les voyais pas.

 

Dans mon dictionnaire personnel , les ergos sont les coachs du retour à la vie, après un accident de la vie.

 

Parce que oui, c’est bien une nouvelle vie qui m’attendait. Même si je le niais.

 

Et non, rien n’étais derrière moi, j’étais toujours plongée dans ce cauchemar, même en rentrant chez moi. Même si je retrouvais mon cocon. Mais je me sentais préparée pour franchir chaque obstacle grâce à ma coache de retour à la vie. Et oui, j’ai décidé d’ajouter un e à coach.

3 février 2024

Les retours

 

Deux accidents donc deux retours.

Je n’ai été hospitalisée que deux fois dans toute ma vie, avant la rupture d’anévrisme, c’était pour mettre mes enfants au monde. 

Ca fait une semaine que je suis coincée sur ces moments de ma vie et que j’ai un mal fou à regrouper mes souvenirs douloureux en mots. 

 

Je te confie mon ressenti. Et oui, il est des retours à ta vie qui peuvent être douloureux Je te confie mon ressenti. Ce qui est arrivé et comment je l’ai vécu, surtout comment je l’ai interprété Ca ne veut pas dire que c’est vraiment arrivé aussi brutalement.

 

1 mois après la rupture d’anévrisme, ils ont fini par accepter de me laisser sortir. Avec un arrêt de travail de 2 mois. J’étais sous le choc. 2 mois. En plus du mois déjà passé en hospitalisation. Ils sont fous.

Comment peux tu te sentir légitime pour un tel arrêt alors que tu es juste un peu fatiguée avec des bobos ici et là ?

A côté de ça et alors que je leur demandais tous les jours de me laisser rentrer chez moi, j’ai vécu ma sortie d’hôpital comme si on m’avait jetée dans la fosse aux lions. J’ai plongé net dans le gouffre du ce que tu veux VS ce que tu peux.

Sortir du monde protecteur de l’hôpital pour marcher dans des rues où chaque personne que tu croises te dévisage comme un potentiel porteur de virus mais surtout qui ne savent pas d’où tu reviens, ce qui t’est arrivé… J’étais terrorisée par leur ignorance. S’ils venaient à me bousculer en me croisant, ils ne savaient pas que je pouvais tomber et que je risquais de briser mon crâne fraichement découpé et revissé.

 

Le médecin traitant de ma mère avait bien insisté pour que je reste au moins six mois en arrêt. 6 mois ? 

 6 mois pour pouvoir faire ce que tu veux, ça peut être bien Si la fatigue ne décide pas de foutre tes sorties en l’air,. ah ! J’oubliais un léger détail. le Covid, ses confinement et couvre feu.

J’ai repris la conduite un mois après mon retour chez moi. Je voulais surtout reprendre le chemin de ma vie, là où je l’avais laissée. En quoi serait-ce un crime ? Donc j’ai attendu jour J+6 mois Pour ne pas être emmerdée.

Lorsque j’ai annoncé ma décision de reprendre le travail, ni le neuro ni le médecin du travail ne s’y sont opposés, au contraire.

 

Une très grande partie de mes amis a trouvé que c’était trop tôt ; Que c’était de la folie ; Que je n’étais pas prête ; Que je devais attendre. Deux médecins me disent que c’est ok et toi tu vas t’y opposer alors que tu n’as même pas fait un quart d’année en médecine ?

 

Ca m’a blessée. J’étais persuadée que pour toute autre personne, Ils auraient dit » Tu te rends compte ????? Elle a survécu à une rupture d’anévrisme, et à une lourde intervention chirurgicale et elle reprend son travail au bout de 6 mois ! »

Mais pour moi c’était « c’est trop tôt, tu ne vas pas y arriver. Tu ne dois pas reprendre. »

Je sais que leur inquiétude s’exprimait dans ces mots. Pour ma part, je n’y entendais que des jugements et un terrible manque de confiance en moi. Et comme ils étaient nombreux à me le dire sans s’être concertés….j’en ai encore plus souffert.

 

J’ai été très déçue par ma reprise professionnelle.

Six mois de retrait et tu te souviens brutalement que le monde n’est pas resté en  mode pause. Je me sentais exclue.

Ce n’est pas un reproche, je n’attendais pas non plus que ma place soit transformée en mausolée.

 

Mais tu permets que je souffre parce que je ne retrouve pas mon poste et que j’ai un mal fou à le reprendre ?

Et surtout, il y avait les nouvelles règles liées  au Covid.

Rien que le fait de ne plus pouvoir discuter 5 mn devant la machine à café avant de commencer ta journée de travail ….

Certains collègues marchaient sur des œufs en ma présence, ils ne savaient pas comment se comporter avec moi. Même moi je ne le savais pas. J’étais perdue. Avec toujours la sensation d’être surveillée et contrôlée.

Je me sentais  surtout incomprise. 

Non, je ne suis pas passée à autre chose et non, je ne voulais plus travailler seule dans les locaux. Tu le sais toi ce que j’ai vécu ce jour là ? tu le sais toi, à quoi j’ai échappé ?

18 mois après la rupture d’anévrisme, l’AVC est passé pulvériser ce qui me tenait encore debout.

 

Et nous en sommes maintenant à mon retour chez moi. 6 mois après le jour J. Et pour la seconde fois, six mois de retrait et tu te souviens brutalement que le monde n’est pas resté en mode pause pendant ton absence. 

Ce n’est pas un reproche, je n’attendais pas non plus que mon lieu de vie soit transformé en mausolée.

 

Mais tu permets que je souffre parce que je ne retrouve pas ma place ?

 

Pendant mes 6 mois d’absence, la plaque à induction a lâché, le kit mains libres de la douche a lâché et le lave linge a lâché.(oui, on peut avoir tout ça sur un voilier).

MPV a aussi décidé de revoir des rangements, pour me permettre d’accéder plus facilement à ce que je voulais.

 

J’ai perdu toutes mes marques et j’ai  beaucoup de mal à les retrouver. Quoi que mon entourage fasse, ma souffrance reste la même. Le problème c’est moi. Si tu entends des reproches dans ma souffrance, tu devrais peut être consulter toi aussi ?

 

En 18 mois, mon cerveau a baigné deux fois dans le sang. La seconde fois, j’ai perdu beaucoup physiquement.

 

Alors oui, je me donne le droit de taper du poing sur la table pour dire que merde quoi ! Je la vis comment ma vie maintenant ??

29 janvier 2024

Le grand départ

MPV et moi sommes reçus par le médecin mi-octobre.

 

Avis favorable pour le retour chez moi j’ai acquis assez d’autonomie pour tourner le dos à l’hospitalisation. L’un de mes moteurs pour la rééducation était le retour sur notre  voilier. Je retiens difficilement un cri de victoire

YES !!!!!!!!

Ce qui me calme instantanément, c’est la forte inquiétude qui se lit dans leurs yeux.

 

Cachez votre euphorie les garçons ! Le médecin devrait se réjouir ! Je pars debout. en tanguant fortement, bien entendu, mais bon. On ne viendra plus se plaindre de mes acrobaties. Il n’aura plus à entendre mes « pourquoi ? pourquoi moi ? pourquoi deux fois ? » Mes  « ça peut prendre combien de temps pour arriver à la récupération totale ?Est ce que je vais pouvoir soigner mes symptômes ? » Il n’aura plus à me dire « vous n’allez pas aimer ma réponse. »

MPV devrait se réjouir de recommencer à partager son lit avec  sa femme ! C’est lui qui ronfle ! Pas moi !

 

Mais non. Il est en boucle sur le ponton. Qui fait 200 mètres, que je dois en traverser 100 avant de  monter à bord. Que je ne dois pas  les faire en marchant, ça risque de trop me fatiguer pour la montée à bord (je ne t’ai pas dit que MPV est devenu expert en rééducation post AVC ?). Qu’il doit avoir une ordonnance pour un fauteuil roulant. Que je dois faire tous mes déplacements en fauteuil. Qu’il y aura des jours où ça va tourner à la tempête, ça veut dire qu’il me sera impossible d’y monter ou d’en descendre.(du voilier) Que soit disant j’étais obstinée…je veux je veux je veux ! Moi !!!! et puis ça va quoi ! on en a connu des tempêtes ! On a été poursuivis par un orage nocturne et imprévu dont la foudre était attirée par la crête des vagues derrière nous.

 

On a vécu des tempêtes au port avec beaucoup de dégâts pour certains…. On a vu des bateaux comme catapultés par la mer et le vent, s’échouer sur les digues avant d’être pulvérisés.

 

 Le regard du médecin ne me laisse aucun doute. J’aurais mieux fait de me taire.

 

Je me sens vraiment comme une petite fille écervelée jugée par deux adultes responsables.

 

 

Le grand jour approche. Je le vis comme une libération.

On en parle de plus en plus avec l’équipe médicale. Je leur avais demandé de ne pas me prévenir la veille pour le lendemain, j’avais tout de même des affaires à trier, ranger… C’est donc le 31 octobre que j’ai su que je sortais le 02 novembre.

 


Ce jour là, un taxi médical est venu me chercher en chambre.je me la suis joué starlette , il s’est un peu battu avec ma valise qui ne fermait pas et mon sac à couvertures. Je me suis installée dans mon nouveau  carrosse, j’ai posé mes lunettes de soleil sur le nez, ma colloc m’a envoyé un bisou « au revoir princesse ! »
et je me suis pavanée. On s’arrêtait tous les mètres pour dire au revoir aux soignants ,orthophonistes, les kinés et ergo. Je vais trop leur manquer tu vas voir.j’ai pu m’installer à l’avant du taxi 6 mois putain 6 mois !!! 
Le chauffeur ultra sympa, on discute et il me demande 

-      Alors vous vivez à l’année sur un voilier ? 

-      Oui

-      Et pour y monter vous y arriverez ?

-      Oui je peux monter seule à bord, pas d’inquiétude. 

-      j’ai hâte de voir ça !
Donc une fois arrivés au port,  il me promène à nouveau sur mon carrosse de grands bonjours de  nos amis qui nous croisent. je descends du carrosse et me campe solidement sur mes deux jambes. 
Pied droit, je monte sur la passerelle et hop, j’attrape de la main droite les drisses. Second pied sur la passerelle …je change d’appuie et monte deux marches. Je suis dans le cockpit MPV à 10 cm de moi.
Et j’entends siffler d’admiration le chauffeur.
-Alors la bravo ! Chapeau! 
Je n’ai pas eu le temps de faire ma révérence, il repartait chercher mes affaires.
Mais moi je me suis pavanée toute la journée !

 

Je me suis enfin assise et j’ai pleuré.

26 janvier 2024

L'approche du départ

En arrivant au centre, je n’avais qu’une envie. En sortir. Sortir, on efface tout, il ne s’est rien passé, je rentre chez moi. J’ai réellement pensé être en HP. Les hurlements, surtout la nuit, me terrorisaient

 

Le temps n’est pas du tout passé au même rythme pour moi.

 

Je savais quel jour de la semaine nous étions. Mais tout tournait à la fois trop vite et trop doucement autour de moi. J’étais encore dans le flou total, une épaisse brume enveloppait mes pensées. Celles qui rebondissaient comme les billes d’un flipper, dans tous les sens. A la grande majorité des questions qu’on me posait, qui n’attendaient qu’un oui ou un non, je répondais «  je ne sais pas. »

Lorsqu’on me demandait si j’avais froid ou chaud…. Je ne sais pas. Je me rappelle que ça les surprenait, mais c’était vrai et ça m’arrive encore aujourd’hui, je ne sais pas si j’ai froid ou chaud. Peut être les deux. Avec mon hémi corps glacé comme la mort…

 

Il est étrange de me projeter à nouveau dans ces lourds souvenirs. Ca me pousse à tenter d’analyser mon attitude. Pourquoi ? En état de choc si longtemps c’est possible ? folle ? Aucune volonté, repliée comme une esclave qui ne tente même plus d’échapper au fouet. Résignée, soumise, vidée de toute émotion, toute forme de révolte asphyxiée..

Je me comportais comme si on m’avait fait un lavage de cerveau. Remarque, ça le fait bien je trouve. Sans mauvais jeu de mots. Je me demande encore aujourd’hui pourquoi et  comment j’ai pu survivre à ces deux hémorragies. Pourquoi moi ? Pourquoi ?

 

Je sais que beaucoup de mes proches, famille et amis, s’inquiètent de ne pas me voir tourner la page, passer à autre chose … depuis le temps. Ca me blesse. 

En grande partie parce qu’ils ont raison. Ils ont raison.

 

Après la rupture d’anévrisme, j’ai souvent entendu

-      … « Ca fait un an, tu devrais passer à autre « chose » ou encore « je pensais vraiment que c’était derrière toi ». « Tu n’arrives pas à croquer la vie alors que tu es une miraculée ? « 

Ah mais tu n’as aucune marque. C’est qu’il n’était pas si grave cet AVC

Tu veux que je te la montre la marque ???? J’en ai une belle sur la tête. Tu vas voir. Elle ne se voit pas car ils ont eu l’humanité de ne raser qu’une bande de mes cheveux. La virgule dessinée par le neuro chirurgien. Après ils tirent bien sur la peau pour découvrir ton crâne. Le mettre à nu. Un bout sur tes yeux et l’autre bout en arrière. En gros ils m’ont scalpée. Ils découpent un « volet de ta boite crânienne, ils clipent le bout de l’artère déchiquetée, ils revissent le tout.et agrafent ta chair pour ressouder les deux bouts. On a compté avec ma sœur 44 agraphes.

 

Alors non seulement ils n’en profitent pas pour te faire un bon ravalement de façade, alors qu’il leur suffisait de tirer un peu sur la peau et de découper le surplus. Rien de bien compliqué… mais en plus tu te retrouves avec deux énormes hématomes qui te mangent le visage. Et ce jour là ta propre sœur te ment !

Trahison et de ta propre famille !

Elle me regarde sans ciller et m’assure que ça fait ressortir le bleu de mes yeux.

Et je la crois.

 

Le jour où ce tourbillon m’ a engloutie, c’était tellement subit, brutal et violent,  cette douleur monstrueuse à l’intérieur de mon crâne, est arrivée je ne sais d’où, sans raison apparente Ensuite tout m’a échappé. Et c’est peut être cette perte de contrôle et l’idée qu’elle puisse arriver n’importe où, sans signe avant coureur qui accentue ma fragilité.

 

Les 18 mois qui ont suivi ont été une suite de jours où subitement et de manière imprévisible, la fatigue m’écrasait, les douleurs au niveau de la nuque et surtout de la virgule me prenaient en traitre, et je ne pouvais pas retenir un petit hoquet douloureux. 

 

Aussi subitement et, brutalement que le jour de l’attaque.

 

Donc oui, j’y pensais chaque jour.

 

Depuis le second AVC hémorragique, je rêve très souvent que j ‘ai pu réparer mon corps, que je rencontre des amis et leur demande

-      « Tu te souviens quand il m’est arrivé cet accident étrange ? En quelques secondes, ma vie a explosé je me suis effondrée et j’ai rampé pendant des années. Mais c’est juste un mauvais souvenir maintenant. Comme si j’avais joué un rôle qui dévoilait  un autre moi.

 

 

Chaque matin, je me réveille avec des douleurs sur mon hémi gauche. La main, l’épaule, le pied, la hanche.

Au centre, je dois me transférer sur un fauteuil pour mes déplacements. Il y a encore des mouvements que je suis incapable de faire. Je marche difficilement, lentement, une seule main me répond.

 

 

Mais comment veux-tu que je passe à autre chose ? Ma vie est dirigée par ces accidents, oui. Ces accidents occupent mes journées, oui.

Ce n’est pas une bonne chose, je sais. Et cela ne fait qu’alimenter ma colère.

 

Comment veux tu que je tourne la page ?

 

Lorsque le jour de la sortie a commencé à se préciser, j’en ai parlé aux soignants de jour et de nuit. Il était important pour moi de pouvoir leur dire au revoir. Ils ont fait partie de ma vie, de jour comme de nuit pendant six putains de longs mois. Ce n’était pas toujours dans une bonne entente, bien évidemment. Le risque de les rencontrer en ville est assez grand, car c’est une petite ville. Y penser me faisait terriblement peur, car ils ont quand même assisté à de terribles moments.

Finalement,  je sais que si je les croise un jour, je serai heureuse de les voir. Et plutôt que les associer à ce cauchemar, ils/elles me rappelleront les bons moments vécus ensemble. les encouragements, les larmes séchées et toutes nos  petites victoires.
Elles resteront toujours NOS victoires.

23 janvier 2024

Je ne suis pas un AVC

Depuis fin 2020, donc depuis la rupture d’anévrisme, je me sens souvent malmenée. Plus souvent que je ne le suis réellement, j’avoue. Les mots font si mal.

 

Dernièrement, sur un groupe rassemblant des victimes  d’AVC, j’ai lu la publication d’une personne qui appelait à l’aide car elle est très attirée (amoureuse ?) par un homme survivant d’ AVC .

Elle venait sur ce groupe pour chercher des réponses.

 

Je pourrais résumer son initiative par « Hey les AVC ! Vous fonctionnez comment en amour ? Comment peut on vous faire reconnaître que vous aimez la personne qui vous aime ?

 

Une seule pensée m’a retenue, pour ne pas lui hurler dessus. J’étais survoltée Ca aurait pulvérisé le clavier innocent de mon ordinateur.

Je pense sincèrement que c’était une maladresse. Ou, qui sait ? Une mauvaise interprétation de ma part ?

 

Même si j’ai tendance à rechercher des témoignages d’autres personnes victimes d’AVC ; Même si je me rapproche beaucoup d’autres victimes pour accueillir leur aide et tenter de leur offrir la mienne. Je refuse d’être résumée, que ma personnalité soit elle aussi  résumée à  un AVC.

 

Si je devais lui répondre…non. Il est mieux que tu ne le saches pas. 

 

Putain mais je trouve ça dingue !!!!!!! même dans ce cauchemar, on va vouloir nous mettre dans des cases !!!!!

 

J’ai bien envie de renvoyer la question au beau médecin en rééducation. C’est la première fois que j’ai envie de cracher un glaçant chaque AVC est DIFFERENT !!! 

 

Bien sur que cette réponse me gave quand je l’entends, je  suis en mode  toutes griffes plantées dans le sol. Parce que je cherche un peu d’espoir.  Des statistiques, des pourcentages. Qui pourraient me rassurer sur les capacités incroyables de récupération du cerveau et du corps humain.

 

Ma colère est décuplée. Deux putains d’AVC aussi différents  l’un de l’autre que rares. Le seul point commun est l’hémorragie. Même pas la même, même pas aux mêmes endroits. 

 

La vie n’est pas un roman du grand King. Nous ne sommes pas en train de nous réunir pour ne faire qu’un ! Un énorme AVC .

 

Je ne suis pas un AVC. L’AVC ou plutôt les AVC ont bien foutu le bordel dans ma vie. Mais je ne suis pas UN AVC !!! 

 

Jour J + 6 mois, je descends sur le plateau kiné. Je marche comme …. Je le sais que ma démarche est claudicante, gravement même. Je marche sur une jambe que je ne sens pas tout comme je ne peux  pas la situer dans l’espace. 

 

 

 

Oui, je suis debout. Mes amis patients sont partis, les uns après les autres. Nos encouragements quotidiens me manquent.

 

Je n’ai pas d’équilibre, je le cherche constamment. J’hésite à chaque pas. Et j’ai la sensation d’échapper de peu à la chute  à chaque pas.

 

 

Une dame est assise à l’entrée et me regarde.

-     oh … Vous avez beaucoup de mal à marcher ! 

-     ……….

-     Vous avez eu quoi ?

-     AVC

-     Ah ? Moi aussi j’en ai eu un, mais j’ai tout récupéré très vite.

Il est vraiment temps que je rentre chez moi. 

6 mois putain ! Tout ça pour m’entendre dire que j’ai beaucoup de mal à marcher !

 

Oui, il est vraiment temps que je quitte le centre. Pour retrouver mon cocon. Même si je sais que d’autres blessures m’attendent. Ces nouveaux regards que je vais devoir affronter, où que je sois. Ces questions qui éveilleront mes souffrances.

 

 

Nous avons vécu différents handicaps dans notre famille. J’aimais mon oncle, je l’aimais pour lui. Je l’aimais tellement que j’oubliais son handicap. Il n’était pas mon oncle aveugle. Il était mon oncle que j’aimais. Et il était aveugle.

 

J’ai toujours été mal à l’aise en croisant une personne handicapée. Je n’ai jamais su comment me comporter. Regarder ailleurs pour ne pas la mettre mal à l’aise ? La regarder droit dans les yeux ? Lui proposer une aide dont elle n’a pas besoin ? Marcher et la croiser en lui adressant un sourire contrit ?

J’ai toujours été mal à l’aise en croisant une personne handicapée. Un peu comme quand tu marches dans la rue et que tu sais pas quoi faire de tes mains.

 

Si tu te poses la question. S’il te plait, regarde moi comme un être humain. Ne regarde pas uniquement mes blessures. Ne me réduis pas à mes blessures visibles. Regarde celle que je suis, je ne suis pas un  AVC. Et même si je suis une survivante gravement blessée, je reste un être humain. Je reste moi.

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