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L'AVC Acrobate
26 janvier 2024

L'approche du départ

En arrivant au centre, je n’avais qu’une envie. En sortir. Sortir, on efface tout, il ne s’est rien passé, je rentre chez moi. J’ai réellement pensé être en HP. Les hurlements, surtout la nuit, me terrorisaient

 

Le temps n’est pas du tout passé au même rythme pour moi.

 

Je savais quel jour de la semaine nous étions. Mais tout tournait à la fois trop vite et trop doucement autour de moi. J’étais encore dans le flou total, une épaisse brume enveloppait mes pensées. Celles qui rebondissaient comme les billes d’un flipper, dans tous les sens. A la grande majorité des questions qu’on me posait, qui n’attendaient qu’un oui ou un non, je répondais «  je ne sais pas. »

Lorsqu’on me demandait si j’avais froid ou chaud…. Je ne sais pas. Je me rappelle que ça les surprenait, mais c’était vrai et ça m’arrive encore aujourd’hui, je ne sais pas si j’ai froid ou chaud. Peut être les deux. Avec mon hémi corps glacé comme la mort…

 

Il est étrange de me projeter à nouveau dans ces lourds souvenirs. Ca me pousse à tenter d’analyser mon attitude. Pourquoi ? En état de choc si longtemps c’est possible ? folle ? Aucune volonté, repliée comme une esclave qui ne tente même plus d’échapper au fouet. Résignée, soumise, vidée de toute émotion, toute forme de révolte asphyxiée..

Je me comportais comme si on m’avait fait un lavage de cerveau. Remarque, ça le fait bien je trouve. Sans mauvais jeu de mots. Je me demande encore aujourd’hui pourquoi et  comment j’ai pu survivre à ces deux hémorragies. Pourquoi moi ? Pourquoi ?

 

Je sais que beaucoup de mes proches, famille et amis, s’inquiètent de ne pas me voir tourner la page, passer à autre chose … depuis le temps. Ca me blesse. 

En grande partie parce qu’ils ont raison. Ils ont raison.

 

Après la rupture d’anévrisme, j’ai souvent entendu

-      … « Ca fait un an, tu devrais passer à autre « chose » ou encore « je pensais vraiment que c’était derrière toi ». « Tu n’arrives pas à croquer la vie alors que tu es une miraculée ? « 

Ah mais tu n’as aucune marque. C’est qu’il n’était pas si grave cet AVC

Tu veux que je te la montre la marque ???? J’en ai une belle sur la tête. Tu vas voir. Elle ne se voit pas car ils ont eu l’humanité de ne raser qu’une bande de mes cheveux. La virgule dessinée par le neuro chirurgien. Après ils tirent bien sur la peau pour découvrir ton crâne. Le mettre à nu. Un bout sur tes yeux et l’autre bout en arrière. En gros ils m’ont scalpée. Ils découpent un « volet de ta boite crânienne, ils clipent le bout de l’artère déchiquetée, ils revissent le tout.et agrafent ta chair pour ressouder les deux bouts. On a compté avec ma sœur 44 agraphes.

 

Alors non seulement ils n’en profitent pas pour te faire un bon ravalement de façade, alors qu’il leur suffisait de tirer un peu sur la peau et de découper le surplus. Rien de bien compliqué… mais en plus tu te retrouves avec deux énormes hématomes qui te mangent le visage. Et ce jour là ta propre sœur te ment !

Trahison et de ta propre famille !

Elle me regarde sans ciller et m’assure que ça fait ressortir le bleu de mes yeux.

Et je la crois.

 

Le jour où ce tourbillon m’ a engloutie, c’était tellement subit, brutal et violent,  cette douleur monstrueuse à l’intérieur de mon crâne, est arrivée je ne sais d’où, sans raison apparente Ensuite tout m’a échappé. Et c’est peut être cette perte de contrôle et l’idée qu’elle puisse arriver n’importe où, sans signe avant coureur qui accentue ma fragilité.

 

Les 18 mois qui ont suivi ont été une suite de jours où subitement et de manière imprévisible, la fatigue m’écrasait, les douleurs au niveau de la nuque et surtout de la virgule me prenaient en traitre, et je ne pouvais pas retenir un petit hoquet douloureux. 

 

Aussi subitement et, brutalement que le jour de l’attaque.

 

Donc oui, j’y pensais chaque jour.

 

Depuis le second AVC hémorragique, je rêve très souvent que j ‘ai pu réparer mon corps, que je rencontre des amis et leur demande

-      « Tu te souviens quand il m’est arrivé cet accident étrange ? En quelques secondes, ma vie a explosé je me suis effondrée et j’ai rampé pendant des années. Mais c’est juste un mauvais souvenir maintenant. Comme si j’avais joué un rôle qui dévoilait  un autre moi.

 

 

Chaque matin, je me réveille avec des douleurs sur mon hémi gauche. La main, l’épaule, le pied, la hanche.

Au centre, je dois me transférer sur un fauteuil pour mes déplacements. Il y a encore des mouvements que je suis incapable de faire. Je marche difficilement, lentement, une seule main me répond.

 

 

Mais comment veux-tu que je passe à autre chose ? Ma vie est dirigée par ces accidents, oui. Ces accidents occupent mes journées, oui.

Ce n’est pas une bonne chose, je sais. Et cela ne fait qu’alimenter ma colère.

 

Comment veux tu que je tourne la page ?

 

Lorsque le jour de la sortie a commencé à se préciser, j’en ai parlé aux soignants de jour et de nuit. Il était important pour moi de pouvoir leur dire au revoir. Ils ont fait partie de ma vie, de jour comme de nuit pendant six putains de longs mois. Ce n’était pas toujours dans une bonne entente, bien évidemment. Le risque de les rencontrer en ville est assez grand, car c’est une petite ville. Y penser me faisait terriblement peur, car ils ont quand même assisté à de terribles moments.

Finalement,  je sais que si je les croise un jour, je serai heureuse de les voir. Et plutôt que les associer à ce cauchemar, ils/elles me rappelleront les bons moments vécus ensemble. les encouragements, les larmes séchées et toutes nos  petites victoires.
Elles resteront toujours NOS victoires.

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Commentaires
A
Merci pour cet extraordianire témoignage!
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L'AVC Acrobate
  • La Bienvenue à toi, visiteur(se). Sur cette page, Je vais témoigner en tant que victime survivante d'AVC . Pour tenter de dévoiler ce qui peut se passer dans nos cerveaux après ces attaques.
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