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L'AVC Acrobate
25 février 2024

Quand la bienveillancefait mal

Donc, depuis le premier jour, ce handicap, je le refuse en bloc. Je refuse. Je suis blessée mais je ne veux pas me résigner ni abandonner, ni m’adapter ni accepter.

Ce n’est pas du déni, c’est un refus

 

Un jour où j’étais encore hospitalisée, j’attendais l’ascenseur avec un patient, en commentant une affiche imprimée en rouge sang. 

« en cas d’incendie, ne prenez pas l’ascenseur. »

Un dessin représente un tit bonhomme devant les portes d’ascenseur, des flammes menaçantes derrière lui, le tout barré d’une grosse croix rouge. Et juste à côté, le tit bonhomme est représenté en train de courir et dévaler les escaliers.

J’ai commenté l’affiche 

-      Les handicapés en fauteuil ils y pensent ? On les laisse crever dans un gros feu de joie ?

Le patient ne m’a pas répondu, il laissait juste glisser ses yeux de ses jambes (en fauteuil) vers mes jambes (en fauteuil) …..

Du hall, il y avait deux accès à l’extérieur le premier avec une série de marches et le second avec une pente limite vertigineuse pour descendre et trop inclinée pour monter sans perdre 10 litres de sueur.

Tous ces détails auxquels je n’ai jamais fait attention, je les relevais automatiquement. 

Les parcours du combattant qu’ils doivent affronter chaque jour…

 Mes blessures n’étaient  que temporaires mais je comptais témoigner sur tous ces obstacles qu’il pouvait y avoir pour les personnes en fauteuil…

Pas une seule fois je ne me suis sentie concernée.

C’était étrange et déstabilisant de me balancer entre les «  je ne vais jamais y arriver ! je ne suis pas assez forte pour surmonter et effacer ce cauchemar » et les « ce n’est que temporaire, je ne peux pas être handicapée. »

Je me disais que si la mobilité de ma main s’était effondrée en quelques minutes, elle pouvait guérir en quelques minutes et retrouver sa mobilité.

 

Pas une seule fois je n’ai pensé que ma force mentale allait guérir mon hémi gauche.

 

De toute façon, ma force mentale, si il y en avait une, était utilisée à 100% pour contrer ce que j’entendais.

 

Il semblerait que je posais trop de questions. C’est vrai ça ! Quelle idée ? Déjà je suis en vie, alors je remercie la vie et je ne pose plus de questions. Eh beh non. La vie peut être une sacrée salope. Je n’ai pas du tout envie de remercier cette vie qui m’a tant arraché. Ce n’était pas la peine qu’elle me garde en vie, la vie, si c’était pour  me faire vivre ce cauchemar.

Même en centre de rééducation, il m’est arrivé de me dire qu’ils ne se rendaient pas compte  de la violence de leurs mots. De l’impact qu’ils pouvaient avoir sur nous.

 

Tous ces moments où ils m’ont affirmé  « chaque AVC  est différent »…J’ai eu envie de leur répondre (hurler ?)

« Chaque humain est différent ».  Je ne pouvais pas les laisser me résumer à un AVC.

Tu peux la toucher des doigts, la formation qu’ils ont eue.

Vous ne devez pas penser que les kinés ou le médecin en rééducation vont vous permettre de retrouver votre mobilité. Et ne pas penser que vous allez récupérer grâce à votre force de travail. Le père Noel n’existe pas.

 

Ce à quoi je répondais invariablement. « Vous ne devez pas me dire ça. Moi j’ai posé toutes mes billes dans le même sac. 

 

Je l’entends le discours derrière. Je ne dois pas donner de faux espoirs aux patients, ni même de faux désespoirs.

Chaque AVC est différent.

CHAQUE HUMAIN SURVIVANT D’UN AVC EST DIFFERENT !!!

Bordel ! merde alors !

Ca m’a fait beaucoup de mal d’encaisser  ces mots qui n’étaient pas censés être malveillants.

 

Tu sais tout ce qu’on peut entendre, dans tous ces moments où on découvre qu’on est victime d’une maladie auto immune, un cancer, un AVC….

Tous ces mots qu’on vient nous dire, alors  qu’on sait que c’est notre corps qui attaque notre corps .

 

« Tiens bon ! Ne te laisse pas abattre. Le moral joue à 50 ou 80% dans ce qui t’arrive.

 

Encore des mots qui n’expriment que  de la bienveillance evidemment, mais qui peuvent être très douloureux

Ca veut dire que si tu n’arrives pas à  combattre ce mal qui te ronge, c’est que tu n’y a pas assez cru. Ou que tu t’es laissé porter par ta tristesse. Alors que tu as tout pour être heureux putain ! Tu es en vie !Bref, c’est de ta faute.)

 

Je me sens tellement en phase avec toutes ces personnes à qui les médecins ont diagnostiqué un cancer. Bien entendu ça n’a rien à voir. Il ne faut pas m’en vouloir. Je suis certaine que nous vivons parfois des moments similaires et que nous avons entendu les mêmes mots qui nous voulaient du bien et qui nous ont fait mal.

 

Je n’ai pas du tout la solution, je ne sais pas ce qu’il faudrait dire à un malade, handicapé…

 

Sur ce chemin chaotique, j’avais surtout besoin de pouvoir poser ma tête sur une épaule empathique et j’ai pu les avoir ces épaules.

 

Maman m’a tellement manqué. Je sais qu’elle m’aurait serrée dans ses bras en caressant mes cheveux doucement à cause de la cicatrice  et en pleurant avec moi.

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Commentaires
L'AVC Acrobate
  • La Bienvenue à toi, visiteur(se). Sur cette page, Je vais témoigner en tant que victime survivante d'AVC . Pour tenter de dévoiler ce qui peut se passer dans nos cerveaux après ces attaques.
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